BIOGRAPHIE
Il est né le 18 décembre 1930 à Saint-Louis, d'un noble ukrainien Guéorgui Konstartinovitch de Gamaleya Dimikaïlovsky et d'une mère créole (son père meurt en 1931)
Adolescent, il est obligé de garder le lit suite à un accident, découvre les œuvres complètes de Leconte de Lisle.
En 1951 il s'engage au parti communiste.
En 1955 il devient professeur de français dans les collèges.
En 1959 il devient membre du Comité directeur du PCR.
En 1960 il est exilé en France par l'ordonnance Debré, apprend le russe et découvre la littérature russe, milite contre les politiques migratoires : le BUMIDOM, les enfants de la Creuse.
Il découvre Aimé Césaire et Saint-John Perse
En 1972 il fait la grève de la faim et rentre à la Réunion.
Dans les années 1970 il publie des contes et des chroniques dans Témoignages
- 1974 : publie des contes dans la revue Bardzour Mascarin
- 1980 démissionne du PCR parce qu'il ne supporte plus le « dirigisme culturel »
- 1992 : s'installe à la Plaine des Palmistes avec son épouse Clélie
- 2004 : l'universitaire Patrick Quiller lui consacre un colloque à Nice
- 2010 : très mystique, il est l'ami de Gilbert Aubry avec qui il fera 2 dialogues poétiques (à la Médiathèque de Saint-Pierre et à Lespas Leconte de Lisle en décembre)
- 2012 : quitte la Plaine des Palmistes au bout de 20 ans pour Barbizon
- 2017 : invité d'honneur de la Réunion des livres à Paris
- 30 juin 2019 : décès de Boris Gamaleya à Fontainebleau
La place de son œuvre dans la littérature
De retour à la Réunion, B. Gamaleya, fasciné par le créole et les mots anciens lance la revue Bardzour Mascarin qui collecte des contes de la tradition orale et publie des chroniques sur le créole réunionnais.
Boris Gamaleya participe au groupe de réflexion sur un mode de graphie du créole, lékritir 77.
Son écriture est imprégnée de sa double culture : celle de son père ukrainien qu'il a découverte en obtenant sa licence de russe en exil et en s'intéressant aux auteurs russes et celle de la Réunion, sa Russie Noire (« une île qui a la particularité d'être ouverte et non fermée »).
Son écriture reste marquée par l'exil, de son père et le sien, et la quête de la liberté : « Je renverse les rôles. Dans la poésie, j'ai mis l'île, qui avait sa tête en bas, dans l'autre sens ».
Dans Vali pour une reine morte (1973), il imagine un dialogue poétique entre Cimendef, chef marron et Mussard, chasseur d'esclaves.
« Ce qu'il ne faut pas perdre de vue si on veut résumer ma biographie c'est que je n'ai jamais été tranquille avec moi-même. »
Dans L'Île du tsarévitch (1997), il réinvente la rencontre de ses parents combinant prose, expression poétique et photographies recréant l'histoire familiale.
Bibliographie
Poésie
- Vali pour une reine morte-poèmes de l'exil-imprimerie REI -1973
-La mer et la mémoire, les langues du magma ; AGM-1978
-Le fanjan des pensées ou Zanaar parmi les coqs ; imprimerie AGM-1987
-Piton la nuit-Edition du Tramail/ILA Saint-Denis-1992
-Lady Sterne au Grand Sud-1995
-L'Île du Tsarévitch- Editions Océan-1997
-L'Oratorio pour le 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage-1998
-Orphée de l'île-2002
-L'Arche du comte Orphée-Editions Azalées -2004
-Jets d'aile-vent des origines -J. Michel Editeur -2005
-Le Bal des hippocampes- Édition de l'Amandier-2012
-L'Entrée des météores ou l'étoile à double coq -2012
A paraître une anthologie critique de la poésie de Gamaleya par P. Quillier ; des contes, une exposition de gravures réalisées à partir de ses poèmes, en partenariat avec le ministère de la Culture (DAC Réunion)
Théâtre
-Le Volcan à l'envers ou Mme Desbassayns, Le Diable et le Bondieu, ASPRED, Saint-Leu 1983
Livre pour la jeunesse
-Lièv i sava bal, zistoir kréol ,(traduite en français par Axel Gauvin)- illustrations de Fabrice Urbatro- Éditions Tikout-2007
Autres
-Bardzour Maskarin : contes populaires et orthographe du créole,-Saint-André-REI, 1974.
-Le Lexique illustré de la langue créole-publié article par article dans Témoignages, organe du parti communiste réunionnais, du 30 juillet 1969 au 18 août 1975.
-Les aventures abracadabrantes de Zidore Mangapoulé de L. Pageot, réédition par Boris Gamaleya de textes extraits de la Gazette réunionnaise (1928‑1929)-1981.
-Préface à Amour oiseau fou, premiers poèmes de Jean Albany, Saint-Denis-Editions, Azalées-1985.
Parenthèse poétique
Vali pour une reine morte
Mussard : je suis mussard, le grand tromblon mussard la foudre
émérite enfileur d'oreilles devant barbe
et devant l'éternel ton crime l'utopie
et ce mot d'ordre inouï la négraille au pouvoir
(…)
Cimendef : je suis pour démêler au plus froid de la rampe
le mirage brouillé aux moires de la rade
et le soir marliépou et l'île inégalée (…)
je suis là pour régler les rites de l'ombia
au loin le kapokier sur la mer lente brule
je suis là pour pleurer haute larme de l'homme
et pour dire ta langue histrion baille à fiente
de mère cal en rut et d'ombline au mouroir
(…)
Mussard : nous te sommons de te taire
voix de dégénérés
(…)
Cimendef : eïa mussard
je dis makoa
Mussard : ventre saint gris
je dis malouin
Cimendef : je dis zanguebar
Mussard : je dis navarre
Cimendef : je dis makondé
Mussard : je dis vendée
Cimendef : je dis magagoni
Mussard : je dis normandie
Cimandef : je dis matatane
Mussard : je dis aquitaine
Cimendef : je dis bantou
kikouyou
Mussard : je dis anjou
poitou
Cimendef : je dis sofola
mikindani
bagamoyo
Mussard : je dis angoumois
quercy
saint malo
Cimendef : eïa mussard
je dis kivi
Mussard : mille sabords d'enfer halte là hors la loi
Cimendef : nonce je ne suis pas brebis à ondoyer (...)
ton bourbon à tafia file donc le cuver
à ta fosse à brindon bouscot comme devant
croisé de mâ ombline et de tégor mahé
nabot de saint antoine et de barracuda
ces oreilles ci ne sont pas à empaumer (…)
car jamais Cimandef ne sera ton trophée (...)
Mussard : jacobite à genoux trêve de sacrilège
holà mousquets du roy écoquez ce moko
feu feu décapez moi la majesté panjake
(…)
(Extrait de Vali pour une reine morte)
BIOGRAPHIE
Il est élève, puis collégien dans la ville de st Louis à la Réunion, il continue ses études en métropole.
Avocat, secrétaire général de mairie (La Possession, Ste Marie,) bâtonnier de l’ordre des avocats il a un parcours professionnel assez mouvementé.
Riel DEBARS est un poète engagé. Il parle de son île de manière « sombre et mélancolique »- « les interrogations debarsiennes » comme le dit Carpanin MARIMOUTOU, son ami privilégié , c’est de savoir la place de l’île dans l’univers et de celle faite à l’homme dans l’île.
La place de son oeuvre dans la littérature
Riel DEBARS fait partie de ses poètes qui présentent une facette de l’île non paradisiaque. Son propos porte sur l’identité de l’île, l’identité de ceux qui l’habitent, comment ils l’habitent..
Sa poésie est une invitation à un voyage dans l’envers du décor loin des clichés de l’île exotique « Au delà des regards paupières muettes j’écoute les îles que tu veux bien me nommer.. »
« Nous sommes de partout
Nous venons de nulle part »
Il dénonce l’asservissement de l’homme par une politique « perverse »
«...Nos paroles nous sont étrangères
nos chants sont des bêlements
nos ségas ventre bas
veulent plaire comme du folklore
nos maloyas papa le maire
veulent effacer les différences
dans un élan assimilateur... »
Bibliographie
-Préface de Fazèle de Carpanin MARIMOUTOU- 1978-réédité 2001
-Sirène de fin d’alerte -1979
-Jamaïque Jamaïque -1987
-Le lagon bleu du regard -1991
-Tropiques-1992
- Archipel de Cardamome -1998
Parenthèse poétique
Nous sommes de partout
nous venons de nulle part
nous cherchons une terre
dans un océan de pierres
nous cherchons un pays dans un avenir de barbelés
nous passons nous repassons
nous repassons nos rêves
à en perdre le fil
sur un écran de grisailles
un mur désert qui barre la route des lendemains
nous regardons le soleil
nous regardons la lune
ce n’est pas notre lune
ce n’est pas notre soleil
ce n’est pas notre jour
ce n’est pas notre nuit
notre bardzour est un obstacle
une barricade de cendres
Notre jour est la nuit
notre nuit est le jour
une vie couchée
un abîme de grisaille
un mélange de sable et de chaux
une muraille d’ossements
où se fracassent les oiseaux
nous sommes de partout
et nous sommes de partout
et nous ne sommes rien
nous sommes entre deux eaux
entre les mugissements du cyclone
et la moisissure des égouts
nos paroles nous sont étrangères
nos chants sont des bêlements
nos ségas ventre bas
veulent plaire comme du folklore
nos maloyas papa le maire
venlent effacer les différences
dans un élan assimilateur
nos prières d’opus dei
nous les vivons encens
Depuis le premier jour
depuis le jour de pierre
depuis l’heure tombale
depuis la dévoration du dernier dronte
depuis le jour de cendre
depuis l’asservissement du premier homme
cette île disparaît sous les coups
de sang
(extrait de Le Lagon bleu du regard)
BIOGRAPHIE
Laurent Joachim Dayot naît à Saint-Paul de la Réunion , le 8 août 1810. De santé fragile, il suit les cours d’un précepteur qui loue son travail et ses aptitudes en mathématique.
En 1828, il entre dans les Ponts et Chaussées puis démissionne pour rejoindre son père, installé à Madagascar. C’est là qu’à vingt ans , il contracte la lèpre. Il revient alors sur l’île et se consacre à l’écriture : il fonde le journal , le Créole dans lequel il publie son poème célèbre : le Mutilé
La place de son œuvre dans la littérature
Il affiche son opposition au système colonial , à l’esclavage et à la peine de mort :
Quoi ! l’homme dont l’erreur égare chaque pas
Ne peut donner la vie et donne le trépas !...
C’est en vain que des lois il couvre son cynisme,
Son pouvoir est un crime et son droit un sophisme.
Contraint de vendre son journal par la société esclavagiste, il devient clerc de notaire puis feuilletoniste dan un autre journal : le Courrier de Saint-Paul où en 1844, il publie sous forme de feuilleton son roman Bourbon Pittoresque roman épique où il fait revivre les combats des esclaves marrons et des blancs du littoral,chasseurs d’esclaves.
Il écrit de nombreux poèmes traitant de la souffrance, de la mort, de l’amour et de la solitude , en particulier le Mutilé où il exprime sa frustration de l’amour :
Vingt ans et mutilé !... voilà quelle est ma part ;
Vingt ans… C’est l’âge où Dieu nous fait un cœur de flamme,
C’est l’âge où notre ciel s’embellit d’un regard.
L’âge où mourir n’est rien pour un baiser de femme,
Et le sort m’a tout pris ! tout… excepté mon cœur !
(Extrait de Le Mutilé)
Mais aussi la nature après sa visite à Salazie où il espérait se soigner grâce à l’eau des sources :
Saluons, en passant, ces superbes pitons
Qu'une vapeur bleuâtre offre à sa transparence.
La royale fougère y suspend ses festons,
Et sur leurs flancs moussus le palmier balance.
Contemplant ces torrents qui blanchissent leurs bords,
Et ces ponts suspendus, et ces gorges profondes,
Où l'on n'entend jamais que le long bruit des ondes
Qui tombent en cascades et grondent en accords !
Eugène Dayot est le seul poète de cette période qui a vécu entièrement sur l’île. Il reproche à ses contemporains leur attrait pour la métropole :
Oh ! dis-moi donc, enfant de la race créole,
D'où vient que pour nos bords, ton cœur est sans amour ?
D'où vient que faible encor, ta première parole,
Dans l'avenir douteux, semble arrêter le jour
D'un départ sans retour ?
Eugène Dayot meurt le 19 décembre 1852 . Sa tombe se trouve au cimetière marin de Saint-Paul.
Bibliographie
-Le mutilé
- Bourbon pittoresque Imprimerie Croix du Sud 1966 à titre posthume
-Œuvres choisies réédition par Jacques LOUGNON imprimerie NID1978
Parenthèse poétique
Le Mutilé
Vingt ans et mutilé !... voilà quelle est ma part;
Vingt ans... c'est l'âge où Dieu nous fait un cœur de flamme ;
C'est l'âge où notre ciel s'embellit d'un regard,
L'âge où mourir n'est rien pour un baiser de femme.
Et le sort m'a tout pris !... excepté mon cœur !
Mon cœur... à quoi sert-il ? ironique faveur !
C'est le feu qui révèle au nautonier qui sombre,
Le gouffre inévitable au sein de la nuit sombre ;
C'est la froide raison rendue à l'insensé :
Heureux s'il n'eût jamais pensé !
Mais ton amour est là, mon ange tutélaire,
Et mon cœur souffre moins, lorsque je dis : ma mère !
A ce large festin des élus d'ici-bas,
Qui me dira pourquoi je ne suis qu'un Lazare !
La vie est une fête où je ne m'assieds pas,
Et pourtant j'ai rêvé sa joyeuse fanfare !
La douleur m'a fait boire à sa coupe de fer ;
Jeune vieillard, j'ai bu tout ce qu'elle a d'amer.
O vous qui demandez si l'âme est immortelle,
Et ma part de bonheur,... dites!... où donc est-elle ?
Quoi ! Dieu nous mentirait, quand sa sainte équité
Nous promet l'immortalité !
Mais ton amour est là, mon ange tutélaire,
Et je ne puis douter, lorsque je dis : ma mère !
Toute existence ici s'échange par moitié,
Chaque âme peut trouver cette âme de son rêve ;
Moi, quand je crie : Amour, l'écho répond : Pitié !...
Et ce mot dans mon cœur s'enfonce comme un glaive
Quelle bouche de femme éteindra dans mon sein
Cette soif d'être aimé qui me brûle sans fin ?
Vivre seul dans la vie... Oh ! ce penser me tue !
Vivre seul... quand mon cœur est si riche d'amour.
Il vibre comme un glas dans mon âme abattue ; C'est à ne plus aimer le jour !
Mais ton amour est là, mon ange tutélaire,
Et je veux vivre encor, lorsque je dis : ma mère !
Souvent, le front ridé de mes sombres ennuis,
J'ai voulu, dans la foule, être oublieux et vivre ;
J'ai voulu respirer, au sein des folles nuits,
Ces voluptés de bal dont le prestige enivre;
Imprudent que j'étais !... j'ai maudit leurs plaisirs !
Car je voyais glisser, dans leur valse en délire,
Ces vierges que le ciel enfanta d'un sourire ;
Je les voyais; et nulle, en passant près de moi,
Ne disait d'un regard : à toi !
Mais ton amour est là, mon ange tutélaire,
Et je ne maudis plus, lorsque je dis : ma mère
Oh ! vous ne savez pas, vous qui vivez heureux,
Ce qu'un long désespoir peut jeter dans la vie !
Vous n'avez point senti ce moxa douloureux
Qui torture le cœur et qu'on nomme l'envie !
Quand un rêve d'amour vous suit au bal bruyant,
L'espérance du moins s'y montre en souriant ;
Mais moi, lorsque le bal a fini ses quadrilles,
Ai-je une fiancée, entre ces jeunes filles,
A qui je puisse dire en lui serrant la main :
Dieu m'a fait un bien doux destin !
Mais ton amour est là, mon ange tutélaire,
Et puis-je être envieux, lorsque je dis : ma mère !
Ah ! lorsque vers la tombe inclinera mon front,
Je n'aurai pas une âme à qui léguer mon âme ;
Arrivé seul au port où m'attend l'abandon,
Sans sourire, sans pleurs, je quitterai la rame.
Aucun enfant au seuil de mes jours éternels
Ne viendra recevoir mes adieux paternels !
Autour de mon chevet, à l'heure d'agonie,
Mes regards vainement chercheront une amie !
Et de moi, sur ce globe où je vins pour souffrir,
Plus rien... pas même un souvenir !
Mais ton amour est là, mon ange tutélaire,
Et si tu me survis, tu pleureras.... ma mère !