BIOGRAPHIE

Jean-Henri Azéma, dit Jean Azéma, est né à Saint-Denis le 28 décembre 1913 et mort à Buenos Aires ( Argentine) 1913 octobre 2000.
Jean Azéma étudie d'abord au Lycée Leconte De Lisle de sa ville natale. Il quitte ensuite La Réunion en 1933 pour Paris où il entreprend des études de droit et milite à l'Action Française (Quotidien monarchiste de Charles Mauras).
Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Jean Azéma se bat d’abord dans les troupes coloniales et est décoré de la Croix de guerre. Revenu à Paris et rattrapé par ses premières sympathies, il choisit le camp de Pétain et collabore activement.
Après la chute de Berlin, Jean-Henri Azéma passe en Suisse et parvient en Argentine, où commence une longue période d’exil. La France libérée le condamne par contumace à la prison à perpétuité.
Il occupe divers métiers et devient journaliste puis ouvre une agence de publicité.
Amnistié en 1970 sous Georges Pompidou, il revient à la Réunion en 1978 avec Olographe.
Toujours publicitaire en Argentine en 1990, il revient à la Réunion en voyage cette année-là. Il y présente au festival du livre de l’Océan Indien un ouvrage intitulé Au soleil de Dodos. Il reconnaît alors s’être trompé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Une partie de ses cendres et celles de son épouse sont jetées à champ-Borne et à Boucan Canot. Le reste est lancé à la mer depuis la Baie du Tombeau à l’île Maurice.
La place de son œuvre dans la littérature
«Je reviens à l’enfance à l’espérance du sisal
et de l’eau échangée au tronc de ravenal
car je suis ce soldat ce fou ce mercenaire..
portant une écharde d’île enclavée en sa chair
comme un feu de lave qui m’ ensoleille vif»
(Extrait de D’Azur à perpétuité)
Poète de l’ exil de l’ex -île, Jean Azéma rejoint le mouvement de la Créolie animé par Gilbert Aubry et Jean François Sam long.
En quête continuelle de sa propre identité, il fait le lien entre le passé colonial esclavagiste de La Réunion et celui de l’Amérique latine. Son œuvre rend hommage à la culture créole .
Il a reçu le prix littéraire des Mascareignes en 1979 pour Olographe .
« Dans tout amour il y a une île »
( Extrait de Olographe)
« oh vous n’entendez-vous pas dessous les lignes de flottaison
cogner pieds et poings la séga des lignages au calvaire de la mer
des pans de mémoire s’effondrent aux frontières des moraines
nul ne veut se souvenir des cicatrices infligées à la Terre
du temps de sa jeunesse des Dogons et des Peuls bleutés
Afrique Afrique un remord récessif rebute les vieilles fêlures »
(Extrait de Le pétrolier antaque, 1982)
« Je suis le passager étrange du vocabulaire
de l’ anarchie des vents de la glose des lianes
de l’ alphabet lacté de la mer pituitaire
j’ ai remonté le fleuve du passé vers l’ amont
de mon parentage je suis une voix sans visage »
(Extrait de D’Azur à perpétuité, 1979)
Bibliographie
-Olographe-1979 .
-D'Azur à perpétuité-1979 .
-Le pétrolier couleur antaque- Éditions Les Trois Salazes-1982 ,
-Le Dodo vavangueur-1986 .
-Au soleil des dodos-, Éditions caribéennes -1990
-Margozes sont les saisons -cahiers Ti-Babar /Nus-1990
-Rhum Blanc,,Ader Village Titan -1996
-Rhum marron,Ader Village Titan -1998
-Archives en Chair Vive- Ader Village Titan -1999
Parenthèse poétique
SUIS-JE CE POÈTE OU CE NÉGRIER CE GESTE OU CET AFFRONT
J’ai couru le monde et je suis tout couvert
des poussières des routes du pollen des pampas
je suis comme ce chevalier du Graal au désert
cherchant de par le monde un peu du sang de Dieu
entre les candélabres de cactus qui s’allument de fruits
entre les occelles des dunes sans oasis entre les nuits
qui scandent en spondées d’étoiles les reiements
entre les grands squales bleus que sont les femmes
entre l’épluchure de la mangue et le canif
entre les jardins d’îles les aridités les récifs
et les séquoias figés des lointes patagonies
entre deux sexes entre deux peaux entre deux races
Séga séga séga et maloya
séga pour les fusils
en rémission des exils
maloya pour l’ïle
Je suis le passager étrange du vocabulaire
de l’anarchie des vents de la glose des lianes
de l’alphabet lacté de la mer pituitaire
j’ai remonté le fleuve du passé vers l’amont
de mon parentage je suis une voix sans visage
suis-je ce poète ou ce négrier ce geste ou cet affront
imposé à la chaîne inhumaine de l’esclavage
plus loin plus haut à la cime du temps
quelles ardeurs me brûlent ô doute lancinant
Et cette île écartelée entre couleurs et races
sait-elle qu’il n’est pas deux chevelures et deux élans pareils
et que la soie des coeurs exige d’étranges saveurs
un plein stock d’odeurs des poignées d’épices
-le sous-entendu des tourterelles dans les eucalyptus
dont les branches s’entrouvent comme des hanches
et m’obsèdent soudain en leurs lents balancements
(Extrait de D’azur à perpétuité,-1979-pp.129-130)
BIOGRAPHIE
"Mon île était le monde et je dois y mourir"
Né le 4 décembre 1917 à Saint-Denis Jean Albany meurt le 26 octobre 1984 à Paris.
Fils d’ un instituteur, il grandit à la Saline parmi les champs de canne et le fond des ravines.
Il fait des études à Paris dès 1937, interrompues par la guerre.
Il s’installe comme chirurgien-dentiste rue Lepic à Paris. Il fréquente les artistes et intellectuels de Saint-Germain des Prés et consacre son temps libre à l’écriture et à la peinture.
Il retourne au pays natal en 1946 pour deux années.
Les voyages en Espagne, Italie, Algérie, Grèce, nourrissent son œuvre. Il connaît une intense activité d écrivain, de peintre.
Il obtient le Grand prix des Mascareignes en 1965 pour Miel vert.
La place de son œuvre dans la littérature
Albany, le poète de la rupture et de l’ ouverture
« Jouer Albany c’était toucher l’île et l’exil du bout des doigts et sentir poindre et se répandre en soi , comme une marée indispensable, une âme créole vivante, vivace » Thierry Bertil.
Zamal, première parution du poète en 1951, marque la rupture avec la poésie classique. La provocation est déjà dans le titre. Il délaisse la versification classique pour des vers libres et ouvre un nouvel univers à la poésie qui puise son inspiration non seulement dans l’île mais aussi en Afrique, en Inde, dans les Caraïbes. Avec Bleu mascarin il ose l’écriture en créole, jusqu’alors réservée aux ségas, ouvrant ainsi la voie à une exploration plus vivante du monde créole, multiculturel mais cependant ancré dans la créolie (néologisme forgé par Jean Albany). Ce terme sera repris et conceptualisé par d’autres poètes dont Gilbert Aubry, Jean François Sam long, Jean Henri Azéma.
Sa poésie, chaude et odorante appelle à la prise de conscience de soi, au respect de ses origines, des autres . C’est une poésie de la réconciliation avec l’homme, de l’insularité et de l’universalité.
« zoreil i cromme pas z’ andett’
Créoles i sice pas z’oursins
Malbar y goute pas do bef
Z’arab y liche pas boudin
Tout’ ça do moune in pays Beccali
Eine île y nomme in si bel nom La Réunion
Aster réve pi Bourbon chante à zot compagnons
Rode dand’ son nom va trouve va trouve La Créolie »
(Extrait de La Créolie)
« J’ai tenté de mon mieux d’arrimer, de mener loin la charrette ancestrale…
Ô mon île, mon boucan canot, ma pointe des aigrettes, ma case douce amie, ma case entre bois de filaos chantants et campêche et mes tièdes berceaux de corail… »
(Extrait de L’adieu)
Bibliographie
Textes écrits en français
Zamal -1951
Miel vert -1966
Archipels paradis grecs-1967
Amour oiseau fou -1985
Aux belles créoles-1997
Textes écrits en créole
Vavangue-1972
Fare fare -1978
Indiennes -1981
Textes écrits en français et /ou en créole
Bleu mascarin -1969
Bal indigo -1976
Percale -1979
Divers
P’tit glossaire du parler créole de La Réunion -1974
Supplément au p’tit glossaire -1983
Disques et poèmes-1966
Vidéo : L’ami abusif de Jacques Baratier
Casette Chante Albany publié par l’ADER
Parenthèse poétique
APRES MIDI
Il pleut , mon souffle colle à la buée des vitres
Tant le boucan du ciel nostalgique m'ennuie.
Mon coeur a savouré l'âcreté des évis
Et cherche la couleur des corossols mûris
Dans le cirque orageux d'une mer de nuages;
Saline, Etang-Salé, Manapany, Saint-Gilles,
Villages oubliés de ma bizarre enfance,
Vous dormez dans le luxe indécis de mes rêves
Comme à l'ombre des tecks un essaim de paillottes.
Jean ALBANY, Zamal, chez l'auteur, 1951
APRES- MIDI
La pluie tombe en chabouc mais su'la vitre y pleure
A guette c'boucan d'ciel ti coq là mi ennuie
Mi rêve z'évis lé jaune y amarre la bouche même
Mi rôde si zot néna couleur d'corossol mûr
Tout'c'nuages y navigue y bataille comme dand'Cirques.
Saline Etang-Salé Manapany Saint-Gilles
Villages ça mon jeune temps croir' pas mi pé oublie
Zot y dort zot lé comme à fum'zamal vi rêve
Pieds d'teck en fleur et de l'ombre qu'lé'bleu su'deux paillottes
Jean ALBANY, Bal Indigo, chez l'auteur-1976
BIOGRAPHIE

Jeanne Brézé est née à Saint-Denis le 30 avril 1961. Enfant précoce, elle écrit ses premiers vers à 8 ans. Déchirée par « l’omniprésence de l’absence » de ses parents, elle mène une vie chaotique, marquée par la misère, la violence , les tentatives de suicide, rythmée par les séjours à l’hôpital psychiatrique . La poésie toujours présente dans sa vie, lui permet de « cracher sa plaie » ; La religion l’aide à surmonter ses angoisses à travers des lettres qu’elle adresse à Dieu.
Elle a été lauréate :
du Concours de Poésies et de Nouvelles de l’UDIR (Union pour la diffusion du livre réunionnais) en 1981
du concours Jean Albany en 1985,
du concours Terre des hommes en 1986.
Elle décède à Saint-Denis le 27 avril 2019 à 58 ans.
La place de son œuvre dans la littérature
« Je n'aime pas me plaindre, mais si jusqu'à présent, j'ai écrit des poèmes qui doivent choquer, bouleverser,déchirer le lecteur, c'est parce que je veux combattre cette misère ».
Je crache encore aujourd’hui
La misère de la case en torchis
A brûlure de la nuit
Déchirée par la lampe à pétrole » (Extrait de ….)
La cause des femmes lui tient à coeur. De nombreux poèmes décrivent le désarroi, le désespoir de la femme réunionnaise.
« Femmes frappées
Enceintes dans l’enceinte
Des poings musclés
Pour se montrer avides
De vide »
(Extrait de ...)
Bibliographie
- Le voile d'Isis , recueil collectif, UDIR, 1978 [Jeanne y publie ses deux premiers poèmes. La même année, elle publie deux autres poèmes dans « Créolie »]. .
-Je crache ma plaie , UDIR, 1983.
- Cœur Cyclone , Éditions Réunion, 1987.
- La sale gosse, UDIR, 1989. (récit autobiographique)
-Invitation, Éditions AMDV 1995 en collaboration avec des plasticiens (roman)
-Visages verts avec Brigitte Latrille Association OGOR 1999
-Jeanne la folle, mystique, chrétienne Les révélations d’AZALÉES 2020
Parenthèse poétique
Je crache ma plaie
Je crache ma plaie
Je crache encore aujourd'hui
La misère de la case en torchis
La brûlure de la nuit
Déchirée par la lampe à pétrole
L'éclair saignant qui luit
A travers le trou de la tôle.
Je crache Le bain d'eau sale
Dans le cabinet puant
La serviette en goni
Et le savon pourri
Mais la douleur qui râle dans mes yeux d'enfant
Mais la brisure de mon coeur méprisé
Mais la flétrissure de mon honneur déprécié
Et je crache
Cambrée
La bagasse mâchée
L'andette grillée
La graisse du riz sec
Dans la moque tordue de la vie
Et le poc-poc éclate
Au toucher de mon cri
Mais le rictus affreux du suicide dans mes rêves
Mais l'atrophie glacée de ma chair abîmée
Mais la paille transie
Dans mon regard tranché
Mais la vie qui s'enfuit
Blessée
Blessée
Je pleure encore aujourd'hui
Caressée sans bruit
Par le velours de la solitude
Qui cerne ma plaie vive
Je pleure
Mais le bengali blessé tisse encore son nid
Mais le soleil brûle encore le mur de torchis
Z'enfant la misère vivra encore demain