"Mon île était le monde et je dois y mourir"
Né le 4 décembre 1917 à Saint-Denis Jean Albany meurt le 26 octobre 1984 à Paris.
Fils d’ un instituteur, il grandit à la Saline parmi les champs de canne et le fond des ravines.
Il fait des études à Paris dès 1937, interrompues par la guerre.
Il s’installe comme chirurgien-dentiste rue Lepic à Paris. Il fréquente les artistes et intellectuels de Saint-Germain des Prés et consacre son temps libre à l’écriture et à la peinture.
Il retourne au pays natal en 1946 pour deux années.
Les voyages en Espagne, Italie, Algérie, Grèce, nourrissent son œuvre. Il connaît une intense activité d écrivain, de peintre.
Il obtient le Grand prix des Mascareignes en 1965 pour Miel vert.
La place de son œuvre dans la littérature
Albany, le poète de la rupture et de l’ ouverture
« Jouer Albany c’était toucher l’île et l’exil du bout des doigts et sentir poindre et se répandre en soi , comme une marée indispensable, une âme créole vivante, vivace » Thierry Bertil.
Zamal, première parution du poète en 1951, marque la rupture avec la poésie classique. La provocation est déjà dans le titre. Il délaisse la versification classique pour des vers libres et ouvre un nouvel univers à la poésie qui puise son inspiration non seulement dans l’île mais aussi en Afrique, en Inde, dans les Caraïbes. Avec Bleu mascarin il ose l’écriture en créole, jusqu’alors réservée aux ségas, ouvrant ainsi la voie à une exploration plus vivante du monde créole, multiculturel mais cependant ancré dans la créolie (néologisme forgé par Jean Albany). Ce terme sera repris et conceptualisé par d’autres poètes dont Gilbert Aubry, Jean François Sam long, Jean Henri Azéma.
Sa poésie, chaude et odorante appelle à la prise de conscience de soi, au respect de ses origines, des autres . C’est une poésie de la réconciliation avec l’homme, de l’insularité et de l’universalité.
« zoreil i cromme pas z’ andett’
Créoles i sice pas z’oursins
Malbar y goute pas do bef
Z’arab y liche pas boudin
Tout’ ça do moune in pays Beccali
Eine île y nomme in si bel nom La Réunion
Aster réve pi Bourbon chante à zot compagnons
Rode dand’ son nom va trouve va trouve La Créolie »
(Extrait de La Créolie)
« J’ai tenté de mon mieux d’arrimer, de mener loin la charrette ancestrale…
Ô mon île, mon boucan canot, ma pointe des aigrettes, ma case douce amie, ma case entre bois de filaos chantants et campêche et mes tièdes berceaux de corail… »
(Extrait de L’adieu)
Bibliographie
Textes écrits en français
Zamal -1951
Miel vert -1966
Archipels paradis grecs-1967
Amour oiseau fou -1985
Aux belles créoles-1997
Textes écrits en créole
Vavangue-1972
Fare fare -1978
Indiennes -1981
Textes écrits en français et /ou en créole
Bleu mascarin -1969
Bal indigo -1976
Percale -1979
Divers
P’tit glossaire du parler créole de La Réunion -1974
Supplément au p’tit glossaire -1983
Disques et poèmes-1966
Vidéo : L’ami abusif de Jacques Baratier
Casette Chante Albany publié par l’ADER
Parenthèse poétique
APRES MIDI
Il pleut , mon souffle colle à la buée des vitres
Tant le boucan du ciel nostalgique m'ennuie.
Mon coeur a savouré l'âcreté des évis
Et cherche la couleur des corossols mûris
Dans le cirque orageux d'une mer de nuages;
Saline, Etang-Salé, Manapany, Saint-Gilles,
Villages oubliés de ma bizarre enfance,
Vous dormez dans le luxe indécis de mes rêves
Comme à l'ombre des tecks un essaim de paillottes.
Jean ALBANY, Zamal, chez l'auteur, 1951
APRES- MIDI
La pluie tombe en chabouc mais su'la vitre y pleure
A guette c'boucan d'ciel ti coq là mi ennuie
Mi rêve z'évis lé jaune y amarre la bouche même
Mi rôde si zot néna couleur d'corossol mûr
Tout'c'nuages y navigue y bataille comme dand'Cirques.
Saline Etang-Salé Manapany Saint-Gilles
Villages ça mon jeune temps croir' pas mi pé oublie
Zot y dort zot lé comme à fum'zamal vi rêve
Pieds d'teck en fleur et de l'ombre qu'lé'bleu su'deux paillottes
Jean ALBANY, Bal Indigo, chez l'auteur-1976