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UN HOMME, UN MANDAT


Citoyen
Lundi 20 Février 2012

par Dominique ROUSSEAU,
Professeur de Droit Public à l'Université de Montpellier I.


UN HOMME, UN MANDAT
 
 

Le cumul des mandats sert les élus, non les citoyens. Il permet aux premiers de contrôler plusieurs territoires, plusieurs électorats, plusieurs institutions et, en même temps, de contrôler au sein de leur propre camp leurs concurrents potentiels en les empêchant d'acquérir un mandat électif. Le cumul permet aussi de reconstituer entre les mains d'un même homme l'unité des pouvoirs dont MONTESQUIEU disait qu'elle était fondamentalement contraire à la liberté politique des citoyens. Pour refonder la démocratie, il faut donc en finir avec le cumul des mandats.

Voter est un acte grave puisque le citoyen accepte ainsi de déléguer son pouvoir de décision à un représentant ; il est par conséquent en droit d'attendre que l'élu se montre digne de cette confiance et exerce avec respect son travail de représentant. Or, si l'élu détient plusieurs mandats, il ne pourra, matériellement, les exercer lui-même : il sera, par exemple, à mi-temps député, et, à mi-temps maire ; ou bien, il délaissera, de fait, un des deux mandats. Dans les deux cas, le citoyen est trompé, l'élu s'amuse avec ses mandats selon ses intérêts du moment et, fatalement, le pouvoir se déplace ailleurs. Où ? Vers l'Administration, vers la technostructure. Dès lors, en effet, que l'élu cumulard n'a pas le temps d'accomplir ses tâches, il les abandonne à son "entourage ", c'est-à-dire, à des hommes de confiance, souvent des fonctionnaires, des énarques qui, très vite, prennent l'habitude de décider à sa place. Il faut beaucoup de perversité aux hommes politiques pour oser, ensuite, dénoncer l'emprise des technocrates ; elle est, tout simplement, la conséquence logique de leur volonté de cumul.

Délibérer pour dégager la volonté de la Nation et la transformer en loi est, dans une démocratie, le rôle du Parlement. Quand ce dernier est, par l'effet du cumul, composé de députés et de sénateurs qui sont aussi des élus locaux, il devient l'assemblée de tous les corporatismes locaux, une sorte de super conseil général où l'intérêt de la Nation se dissout dans la multitude des intérêts particuliers et de leur marchandage. Le travail parlementaire décline : la fabrication de la loi est abandonnée au gouvernement, le contrôle de l'exécutif aux juges et à la presse, la formation de l'opinion à la télévision. Il faut, à nouveau, beaucoup de perversité aux élus pour oser se plaindre de cette dérive politique dont ils portent, en cumulant les mandats, la responsabilité.

Si la démocratie directe n'est pas possible, si le citoyen ne peut exercer directement le pouvoir mais doit le déléguer à un représentant, il convient, sous peine que de délégation en délégation le pouvoir n'échappe complètement au citoyen, que l'élu exerce lui-même son travail. Et, pour cela, il n'est d'autres solutions que l'interdiction pure et simple du cumul des mandats et fonctions électives.

 


Texte disponible ici.

Merci à "Ti Pierre"


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