
Le problème, lui, demeure intact, plongeant dans une inconscience qui semble générale. Il se trouve en amont, dans la manière dont se transmettent les conceptions de la relation entre homme et femme. Il plonge dans les structures mêmes de la société, patriarcale et machiste, entretenues inconsciemment dans l'ensemble des rapports sociaux, comme dans trop de couples et de familles.
Les meurtres incessants de femmes de ces trois dernières années, les dizaines d'affaires dénoncées à la justice, matraquages, agressions au sabre ou au couteau, au manche de pioche, défenestrations, viols, tournantes, tentatives d'immolation… illustrent bien l'absence d'approche appropriée de la situation des femmes de ce pays. Ce ne sont pas des exceptions ou des accidents, seulement la partie visible de ce dont certains sont capables et qui potentiellement peut toutes les menacer.
La police et la gendarmerie n'interviennent que dans des cadres tellement étriqués qu'elles en sont devenues inefficaces. La justice, tout comme la police, n'agit qu'après coup, lorsque le désastre est achevé. Et uniquement sur les cas les plus spectaculaires, ceux que l'on dénonce. Et forcément pas sur ceux qui demeurent cachés.
Les politiques sociales sont inefficaces. Entièrement. Elles laissent une partie de la population en grand danger. Elles ne sont qu'une façade, parfaitement bureaucratisée qui permet tous les abus. Elles ne s'attaquent pas aux vrais problèmes. Elles les couvrent d'aides, de subventions et de mesures, en l'occurrence, inopérantes.
Le social n'est pas une affaire sociale ! Il est d'abord une affaire politique. Les racines du social sont dans le "vivre ensemble". Dans ses déclinaisons institutionnelles. Les choses essentielles ne résident pas simplement dans la nature et le comportement des individus. Elles se jouent dans les décisions politiques, dans les dispositifs institutionnels, dans les pratiques collectives, dans le fonctionnement législatif et réglementaire…
Dans l'indispensable réorganisation, à très long terme, des relations entre hommes et femmes, qui aidera à établir une vraie égalité et à protéger les femmes contre la société machiste, les autorités publiques n'assument pas leur rôle.
En vérité, les femmes restent souvent seules face à la barbarie institutionnelle imposée par les pires héritages du patriarcat. Et que les pouvoirs publics soutiennent par leur inertie. Voire leur complicité intéressée. Et même les quelques femmes qui ont accédé à un pouvoir ne représentent souvent encore que les alibis du système.
Les femmes ne font pas la guerre à l'homme, elles la font au système qui donne aux meurtriers toute latitude pour leurs exactions et leurs sévices. Système que les autorités perpétuent dans un aveuglement condamnable. Toutes les femmes sont potentiellement menacées !
Il me paraît important :
1 - Que l'on se mette à agir très en amont des drames conjugaux. Sur les chaînes de causalité et non uniquement sur les conséquences et les symptômes. Que l'on construise des programmes éducatifs bien avant que les épisodes problématiques puissent se déclencher (et on n'ignore plus aujourd'hui tous les mécanismes pathologiques en cause !) et non après, pour secourir des victimes dont le destin était prédit depuis longtemps.
Et ça, c'est sur deux générations, au cours desquelles il faut entrer, avec résolution et sans restriction, mais non sans respect, au cœur des sociocultures familiales. Et ça signifie que l'on reconnaisse explicitement que le point focal de tous les problèmes, c'est la place et le rôle de l'homme dans ses habitudes personnelles, dans ses rapports affectifs, dans ses frustrantes évolutions statutaires et dans sa propre souffrance à laquelle il ne sait plus faire face.
2 - Que l'on reconnaisse donc que l'évolution instable de la condition masculine, dès l'âge le plus tendre de l'éducation des enfants, est la source première et universelle des problèmes présents de violences faites aux femmes, et que l'on aborde la question dans ses dimensions causales générales, sociétales et politiques (et non simplement sur le plan d'une approche psychologique individuelle et interpersonnelle). Sans faire de l'angélisme féministe et sans nier la duplicité et la violence possibles de certaines femmes...
3 - Que l'on généralise enfin des démarches éducatives mixtes, individuelles et collectives, fondées sur l'intégration de ses émotions et leur régulation au travers des échanges raisonnés, interpersonnels et sociaux, et des méthodes de négociations non violentes. Cette éducation, loin d'être abordée tel un idéal théorique, devrait s'inscrire dans le concret des relations quotidiennes habituelles, socle de résolutions saines dans la confrontation aux inévitables tempêtes temporaires de toute relation.
Un ensemble de dispositions devrait être exigé par tous les hommes et toutes les femmes sensibles à la situation. Par exemple :
En matière de prévention
- La mixité de la délégation préfectorale aux droits des femmes et à l'égalité des chances, afin que les hommes assument institutionnellement leur part de responsabilité.
- L'instauration d'un véritable Observatoire départemental de la lutte contre les violences intrafamiliales.
- La publication et la diffusion du "Guide du comportement et du respect, en couple et en famille", dans toutes les familles de la Réunion et dès la constitution du couple.
- L'incitation généralisée des hommes à une participation normale au travail domestique, et notamment à la responsabilité éducative dans la famille. La dimension paternelle doit être valorisée sous une forme moderne. Le père doit être plus proche de ses enfants. Il importe qu'il investisse enfin l'espace relationnel domestique et familial.
- La refonte des programmes scolaires et péri scolaires, dans une alliance explicite entre familles et enseignants, dès la maternelle et jusqu'au lycée, incluant :
- L'entraînement à de nouveaux modes de socialisation en direction des garçons pour une éducation non-violente, pour une éducation proposant une manière d'être un garçon et devenir un homme sans recours à la violence,
- Un travail d'intégration émotionnelle, ainsi que d'éducation à la relation interpersonnelle, introduit dans tous les cycles de formation, en l'adaptant à chaque âge de la croissance,
- Des approches préventives, associant des adultes, relatives aux relations garçons et filles, intensifiées dès l'âge de la formation des couples adolescents, au collège et au lycée.
En ce qui concerne les bourreaux
- Des espaces d'écoute et de traitement des hommes violents, dans chaque commune.
- Un traitement psychologique effectif des hommes violents pendant la durée de toutes les incarcérations. Il faut développer les thérapies pour hommes violents, les groupes destinés aux hommes. Trop d'hommes sortent notamment de la "geôle" avec, en tête, la seule idée d'aller régler définitivement son compte à leur ancienne compagne.
- La castration chimique proposée/imposée à tous les hommes violents ou non, diagnostiqués en tant que délinquants sexuels.
- La création d'un fichier régional détaillé des auteurs de violences physiques ou sexuelles, avec un accès public.
• En ce qui concerne les victimes
- L'harmonisation des procédures d'accueil et des fichiers d'accueil dans les services de police et de gendarmerie, ainsi qu'auprès des associations qualifiées.
- Une formation approfondie de tous les personnels de police et de gendarmerie en matière d'accueil des victimes de violences intrafamiliales, quelle que soit leur nature.
- L'extension de lieux d'hébergement d'urgence appropriés.
- Même si c'est après les drames, le renforcement des dispositifs d'aide aux femmes victimes de la violence, par une aide immédiate et structurée dans des centres, dans des refuges, des services de conseil, de soins médicaux, etc. et également par un soutien personnel, pour qu'elles puissent briser leurs liens de dépendance et rompre la relation avec l'homme violent.
Nous osons espérer que sous l'impulsion des femmes de ce pays, lasses de voir leurs droits et leurs vies trop facilement jetés en pâture aux criminels, les pouvoirs publics assumeront enfin leurs lourdes responsabilités !
Les meurtres incessants de femmes de ces trois dernières années, les dizaines d'affaires dénoncées à la justice, matraquages, agressions au sabre ou au couteau, au manche de pioche, défenestrations, viols, tournantes, tentatives d'immolation… illustrent bien l'absence d'approche appropriée de la situation des femmes de ce pays. Ce ne sont pas des exceptions ou des accidents, seulement la partie visible de ce dont certains sont capables et qui potentiellement peut toutes les menacer.
La police et la gendarmerie n'interviennent que dans des cadres tellement étriqués qu'elles en sont devenues inefficaces. La justice, tout comme la police, n'agit qu'après coup, lorsque le désastre est achevé. Et uniquement sur les cas les plus spectaculaires, ceux que l'on dénonce. Et forcément pas sur ceux qui demeurent cachés.
Les politiques sociales sont inefficaces. Entièrement. Elles laissent une partie de la population en grand danger. Elles ne sont qu'une façade, parfaitement bureaucratisée qui permet tous les abus. Elles ne s'attaquent pas aux vrais problèmes. Elles les couvrent d'aides, de subventions et de mesures, en l'occurrence, inopérantes.
Le social n'est pas une affaire sociale ! Il est d'abord une affaire politique. Les racines du social sont dans le "vivre ensemble". Dans ses déclinaisons institutionnelles. Les choses essentielles ne résident pas simplement dans la nature et le comportement des individus. Elles se jouent dans les décisions politiques, dans les dispositifs institutionnels, dans les pratiques collectives, dans le fonctionnement législatif et réglementaire…
Dans l'indispensable réorganisation, à très long terme, des relations entre hommes et femmes, qui aidera à établir une vraie égalité et à protéger les femmes contre la société machiste, les autorités publiques n'assument pas leur rôle.
En vérité, les femmes restent souvent seules face à la barbarie institutionnelle imposée par les pires héritages du patriarcat. Et que les pouvoirs publics soutiennent par leur inertie. Voire leur complicité intéressée. Et même les quelques femmes qui ont accédé à un pouvoir ne représentent souvent encore que les alibis du système.
Les femmes ne font pas la guerre à l'homme, elles la font au système qui donne aux meurtriers toute latitude pour leurs exactions et leurs sévices. Système que les autorités perpétuent dans un aveuglement condamnable. Toutes les femmes sont potentiellement menacées !
Il me paraît important :
1 - Que l'on se mette à agir très en amont des drames conjugaux. Sur les chaînes de causalité et non uniquement sur les conséquences et les symptômes. Que l'on construise des programmes éducatifs bien avant que les épisodes problématiques puissent se déclencher (et on n'ignore plus aujourd'hui tous les mécanismes pathologiques en cause !) et non après, pour secourir des victimes dont le destin était prédit depuis longtemps.
Et ça, c'est sur deux générations, au cours desquelles il faut entrer, avec résolution et sans restriction, mais non sans respect, au cœur des sociocultures familiales. Et ça signifie que l'on reconnaisse explicitement que le point focal de tous les problèmes, c'est la place et le rôle de l'homme dans ses habitudes personnelles, dans ses rapports affectifs, dans ses frustrantes évolutions statutaires et dans sa propre souffrance à laquelle il ne sait plus faire face.
2 - Que l'on reconnaisse donc que l'évolution instable de la condition masculine, dès l'âge le plus tendre de l'éducation des enfants, est la source première et universelle des problèmes présents de violences faites aux femmes, et que l'on aborde la question dans ses dimensions causales générales, sociétales et politiques (et non simplement sur le plan d'une approche psychologique individuelle et interpersonnelle). Sans faire de l'angélisme féministe et sans nier la duplicité et la violence possibles de certaines femmes...
3 - Que l'on généralise enfin des démarches éducatives mixtes, individuelles et collectives, fondées sur l'intégration de ses émotions et leur régulation au travers des échanges raisonnés, interpersonnels et sociaux, et des méthodes de négociations non violentes. Cette éducation, loin d'être abordée tel un idéal théorique, devrait s'inscrire dans le concret des relations quotidiennes habituelles, socle de résolutions saines dans la confrontation aux inévitables tempêtes temporaires de toute relation.
Un ensemble de dispositions devrait être exigé par tous les hommes et toutes les femmes sensibles à la situation. Par exemple :
En matière de prévention
- La mixité de la délégation préfectorale aux droits des femmes et à l'égalité des chances, afin que les hommes assument institutionnellement leur part de responsabilité.
- L'instauration d'un véritable Observatoire départemental de la lutte contre les violences intrafamiliales.
- La publication et la diffusion du "Guide du comportement et du respect, en couple et en famille", dans toutes les familles de la Réunion et dès la constitution du couple.
- L'incitation généralisée des hommes à une participation normale au travail domestique, et notamment à la responsabilité éducative dans la famille. La dimension paternelle doit être valorisée sous une forme moderne. Le père doit être plus proche de ses enfants. Il importe qu'il investisse enfin l'espace relationnel domestique et familial.
- La refonte des programmes scolaires et péri scolaires, dans une alliance explicite entre familles et enseignants, dès la maternelle et jusqu'au lycée, incluant :
- L'entraînement à de nouveaux modes de socialisation en direction des garçons pour une éducation non-violente, pour une éducation proposant une manière d'être un garçon et devenir un homme sans recours à la violence,
- Un travail d'intégration émotionnelle, ainsi que d'éducation à la relation interpersonnelle, introduit dans tous les cycles de formation, en l'adaptant à chaque âge de la croissance,
- Des approches préventives, associant des adultes, relatives aux relations garçons et filles, intensifiées dès l'âge de la formation des couples adolescents, au collège et au lycée.
En ce qui concerne les bourreaux
- Des espaces d'écoute et de traitement des hommes violents, dans chaque commune.
- Un traitement psychologique effectif des hommes violents pendant la durée de toutes les incarcérations. Il faut développer les thérapies pour hommes violents, les groupes destinés aux hommes. Trop d'hommes sortent notamment de la "geôle" avec, en tête, la seule idée d'aller régler définitivement son compte à leur ancienne compagne.
- La castration chimique proposée/imposée à tous les hommes violents ou non, diagnostiqués en tant que délinquants sexuels.
- La création d'un fichier régional détaillé des auteurs de violences physiques ou sexuelles, avec un accès public.
• En ce qui concerne les victimes
- L'harmonisation des procédures d'accueil et des fichiers d'accueil dans les services de police et de gendarmerie, ainsi qu'auprès des associations qualifiées.
- Une formation approfondie de tous les personnels de police et de gendarmerie en matière d'accueil des victimes de violences intrafamiliales, quelle que soit leur nature.
- L'extension de lieux d'hébergement d'urgence appropriés.
- Même si c'est après les drames, le renforcement des dispositifs d'aide aux femmes victimes de la violence, par une aide immédiate et structurée dans des centres, dans des refuges, des services de conseil, de soins médicaux, etc. et également par un soutien personnel, pour qu'elles puissent briser leurs liens de dépendance et rompre la relation avec l'homme violent.
Nous osons espérer que sous l'impulsion des femmes de ce pays, lasses de voir leurs droits et leurs vies trop facilement jetés en pâture aux criminels, les pouvoirs publics assumeront enfin leurs lourdes responsabilités !