sak ifé nout jordu ék nout demin

Congrès tamoul dravidien 2015 intervention de Clovis PAVAYE : le tambour malbar


Culture - Kiltir
Lundi 27 Avril 2015

Cet instrument est inséparable de nos manifestations religieuses, il peut être perçu de différentes manières, selon le lieu, la sonorité et l’utilisation qui en est faite.



Depuis la nuit des temps et sous toutes les latitudes le tambour a servi à l’homme : soit  pour communiquer entre les groupes éloignés, soit pour motiver les troupes et impressionner l’adversaire lors des combats ou tout simplement pour rythmer des rencontres festives ou religieuses.

À la Réunion le tambour est entré dans notre histoire si l’on peut dire avec les premiers arrivés. Les premiers grondements guerriers du rouleur et cayamb ont résonné dans nos montagnes lors des rencontres entre marrons. Il a été un instrument fédérateur de tous ceux qui n’acceptaient pas la société esclavagiste. Ça n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a été interdit pendant longtemps.

Mais je vais vous parler ici ce matin, plus particulièrement du tambour malbar.

La fabrication du tambour est tout un art et est réservée à quelques spécialistes. Généralement celui qui en joue, le Vétian(je ne suis pas trop sûr de la bonne prononciation) fabrique lui-même son instrument.

Il est à remarquer que souvent les batteurs de tambours sont les membres d’une même famille et sur plusieurs générations, sans doute que cette proximité facilite, la transmission, l’apprentissage et l’harmonisation des coups de baguette.

Contrairement à ce que peut croire un néophyte, les tambours ne se jouent pas n’importe comment. Les coups de baguette, comme on dit, sont adaptés aux divinités et à des moments précis des rituels.

Les habitants des camps qui se sont installés autour des usines sont habitués depuis l’arrivée des engagés aux sons des tambours. Ainsi quand on entend le premier coup de baguette et le son de la cloche, les malbars savent que c’est l’appel à gagner le koïlou car la cérémonie va bientôt commencer.

Les jours de fête (de service) des fragrances de samblani, d’oudoupatti et de bons fruits mûrs parfument l’air du village et ses environs. Par petits groupes, malbars et malbaraises aux tenues multicolores se pressent sur les sentiers qui mènent au koÏlou.

Une joyeuse vibration semble s’emparer de tous et on se sent progressivement envahi par un apaisement de l’esprit, prompt au recueillement.

Généralement toutes les cérémonies se déroulent au rythme des tambours.

Ainsi, 18 jours avant la marche sur le feu, les pénitents s’engagent lors de la cérémonie amarre carpe. Lorsque le cortège quitte le temple, les tambours donnent le coup de baguette dite « baguette canal » parce que cette cérémonie se déroule toujours quand 3 conditions sont réunies dans un espace donné : un endroit en contact avec la terre, la proximité d’un point d’eau et un espace dégagé ou l’air circule librement.

Il y a donc un coup de baguette (son) pour chaque pour chaque temps fort de la cérémonie et aussi pour chaque divinité, exemple : baguette alvan, baguette spécial 32 morceaux
Un son pour aller (tire valsé), le coup baguette mariage bondié  etc.  En fait tout cela ressemble à des notes de musiques différentes (raga).

La combinaison des tambours satis et morlons rythme tous les temps forts des services malbars.
Nous vivons dans ce monde ou la création est permanente, or chacun sait que la création résulte de la fusion de deux entités, la masculine et la féminine.

Il est donc logique que cette vibration créative se retrouve dans nos expressions sonores. Ainsi le morlon serait le masculin Shiva et sati le feminin Shacti. Le son produit lors des cérémonies est censé faire vibrer la statue et donc le saclon.

De même et nous le savons, ce son associé à d’autres bien sûr, fait vibrer tout notre être. Certains peuvent alors entrer en transe, d’autres se retiennent, mais personne ne reste insensible à un coup de baguette rondement mené.

Comme vous le voyez, notre religion est un chemin bien balisé pour qui veut bien l’entendre. Il est vrai que nous n’avons pas d’autorité centrale investie par la communauté, et qui serait chargée de diffuser et de veiller aux respects des règles lors de nos célébrations ; à l’instar des judéo-chrétiens ou d’autres religions ; mais chacun est interpellé sur sa propre conscience ; à mettre en œuvre des pratiques qui le fait progresser et du même coup l’être humain dans son ensemble.

Les traditions sont comme un fil conducteur, elles nous permettent de garder le cap, mais elles n’empêchent pas d’adapter à notre temps certaines pratiques.

Les tambours sont agréables, les malbars et autres pratiquant de notre religion acceptent facilement son son et cela, quels que soit sa tonalité et le moment de son utilisation.

Dans le temps longtemps, l’existence d’un habitat épars du fait d’une population moins dense, nous laissait le loisir de jouer du tambour sans déranger personne. En 2015 avec une population de 800 000 habitants ce n’est plus pareil. Tout autour de nos koÏlou il y a aujourd’hui des immeubles. Les gens qui y habitent les familles qui y habitent ne sont pas forcément de notre obédience religieuse.

Il faut souligner à cet égard que les aménageurs de la Réunion ne tiennent aucunement compte des pratiques religieuses dans l’aménagement du territoire. On voit pousser juste à côté des temples des groupes d’immeubles qui bien souvent deviennent des caisses de résonnance aux bruits. Je peux en témoigner.

Il nous faudra forcément en tenir compte progressivement, et chacun à son niveau, adapter les heures et l’utilisation des tambours dans nos rituels.

Le vivre ensemble et la tolérance Réunionnaise est un bien précieux que nous devrons pour notre part contribuer à préserver.
 

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