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​Le débat sur l’expérimentation : La Réunion n’avance pas


Politique
Mercredi 4 Mai 2016

Dans la logique de l’amendement qui porte son nom et dont il n’y a pas lieu de se glorifier, Jean-Paul Virapoullé a réussi à imposer à la majorité régionale sa nouvelle trouvaille, « l’expérimentation ».


Rappelons d’abord en quoi consiste ce fameux amendement. Une réforme du 28 mars 2003 a introduit dans l’article 73 de la Constitution deux dispositions, les alinéas 2 et 3, qui permettent aux régions et départements d’outre-mer, sur habilitation du parlement ou du gouvernement selon le cas, de définir eux-mêmes les adaptations aux lois et règlements dans leurs domaines de compétence (alinéa 2), ou les règles qu’ils estiment répondre aux besoins spécifiques de leur territoire et qu’ils peuvent prendre dans des matières relevant habituellement de la loi ou du décret, même hors de leurs domaines de compétences (alinéa 3). C’est du bénéfice de ce dernier alinéa que la Réunion a été exclue, et la Réunion seule, par le vote de l’amendement en cause.

L’expérimentation elle (articles 37-1 et 72, alinéa 4), a été  instaurée par la même réforme constitutionnelle de 2003 et concerne l’ensemble des collectivités au plan national. Il s’agit en effet, s’agissant plus particulièrement de l’article 72 alinéa 4, de tester dans les collectivités candidates, pendant une certaine durée et avant leur généralisation à toutes les collectivités de la même catégorie en cas d’évaluation positive, des dispositions légales ou règlementaires  qui dérogent au droit commun.  Par ailleurs contrairement aux mécanismes de l’article 73 où une fois l’habilitation donnée, les mesures d’adaptations prises par nos régions ou départements d’outre-mer ne sont soumises qu’au contrôle de la légalité, l’expérimentation est à son terme (jusqu’à 5 ans avec possibilité de prolongation) évaluée par l’Etat, qui décide seul de son abandon ou de sa généralisation au niveau national.

On voit ainsi et cela a été dit par le gouvernement au moment des débats parlementaires, que la voie la plus appropriée pour prendre des mesures adaptées aux régions et départements d’outre-mer est celle des dispositifs de l’article 73 de la Constitution. On nous rétorque qu’on a autre chose à faire que de perdre notre temps dans des débats institutionnels. Outre que l’argument est pauvre, la droite locale feint d’oublier que le recours aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 73 est possible sans qu’il y ait lieu à révision constitutionnelle, puisque ces dispositions sont applicables à la Réunion.

La majorité régionale a réussi lors de l’assemblée plénière du 29 avril à parler de la nécessaire prise en compte de nos spécificités sans mentionner l’article 73 qui régit les régions et départements d’outre-mer. La Constitution c’est pourtant notre loi fondamentale et dois-je rappeler que c’est sous la présidence de Jacques Chirac que les nouveaux pouvoirs donnés à nos collectivités d’outre-mer ont été votés pour tenir compte de leurs besoins spécifiques de développement. Dans ce débat on voit que le vieux parti conservateur du « droit commun » est toujours actif, un parti pour qui la reconnaissance de la réalité de l’outre-mer c’est déjà trop et nous éloigne dangereusement de la métropole…Le refus des nouvelles dispositions de l’article 73 est aussi un aveu de grande faiblesse. D’un côté on dit « La France y command pas nou », de l’autre « Décid pou nou siouplé, nou lé pas capab » !

En restant dans cette obsession du droit commun, qui arrange politiquement ceux qui n’ont pas intérêt à ce que la situation change, on fait fausse route, avec les conséquences graves qui en résulteront pour la Réunion et sa population. On se trompe juridiquement car  on veut expérimenter des mesures pour le seul territoire de la Réunion alors qu’à l’expérimentation est attachée obligatoirement la clause de généralisation. La majorité nous a répondu  au moment du débat que les mesures proposées pour la Réunion seront généralisées aux autres régions d’outre-mer. Encore faut-il que celles-ci en soient d’accord et c’est assez fort de café d’entendre cela d’une droite locale qui ne veut surtout pas que la Réunion soit alignée sur les autres collectivités d’outre-mer…Ajoutons que les Antillais ne nous ont pas attendus, eux ils ont utilisé depuis longtemps les possibilités que leur donne l’article 73 en obtenant des lois d’habilitation dans les domaines des énergies renouvelables, des transports et de la formation.

Sans entrez dans les détails des trois premières applications qu’on nous propose pour l’expérimentation (la fiscalité, le schéma d’aménagement régionale et la coopération régionale), nous faisons fausse route pour une autre raison : le choix qui est fait, outre sa faiblesse juridique et un encadrement de l’Etat qui nous éloigne de la gouvernance décentralisée souhaitée, nous soumettrait  aux aléas d’une expérimentation et d’une évaluation qui risquent de se chiffrer en années perdues, alors que l’urgence aujourd’hui sur tous les plans, économique, social, éducatif notamment, nous commande d’agir sans attendre.


Conseiller régional 
Président de l’UDSA

Joé BEDIER



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