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Yvan Combeau analyse "2012" où "les abstentions fragilisent les reconfigurations…"


Politique
Mercredi 10 Octobre 2012

"Le Centre de recherches sur les sociétés de l'océan Indien l'Université de La Réunion (CRESOI) publie cette semaine le dernier volet d'une série de trois études électorales consacrées aux élections de 2010 à 2012. Cette publication propose une lecture des campagnes et des résultats de la Présidentielle et des Législatives de 2012. Rédigés par des historiens et des journalistes, les textes rassemblés constituent une part de l'histoire immédiate de La Réunion", explique Yvan Combeau, universitaire et politologue".


Yvan Combeau analyse "2012" où "les abstentions fragilisent les reconfigurations…"
"Ce dernier volet de notre étude de la vie politique réunionnaise sur les années 2010-2012 a pour objet le couple présidentielle-législatives installé par le calendrier électoral voté en 2001. Entre avril et juin 2012, quatre scrutins ont été organisés à l’échelle nationale et dans sept circonscriptions de notre île". Quatre consultations dominées par la suprématie du vote socialiste. Le succès de François Hollande qui progresse au point d’atteindre 71% des suffrages dits exprimés. Et sur les 7 députés réunionnais, cinq élus de gauche (5 PS et 1 Mouvement Pour La Réunion).

Nous avions initialement fait le choix d’une étude sur ces trois années partant de l’hypothèse que cette période riche en élections serait un temps du renouvellement et des transitions politiques dans l’île. Avec la rupture du scrutin régional (la victoire de Didier Robert), les évolutions internes aux coalitions et les compositions majoritaires tant du conseil général (2011) que lors des votes des sénatoriales (2011), ces législatives participent à de profondes modifications dans le tableau politique réunionnais.

Ce présent 2012 associe une histoire du temps présent avec la reconstruction socialiste de la fin du XXème siècle et les oscillations d’une histoire immédiate. Le projet élaboré avait cette ambition de suivre, de rendre intelligible, les mouvements de la vie politique réunionnaise. En 2012, tous les candidats à l’élection présidentielle ont pris la mesure du poids du vote réunionnais dans les outre-mers. Poids des inscrits, de la participation, même en diminution elle se situe à un niveau bien supérieur à celui des départements des Antilles-Guyane.

Déjà en 2007, Ségolène Royal avait conquis une position dominante face à Nicolas Sarkozy dans les 24 communes. En 2012, la vague François Hollande a déferlé sur toute l’île au soir du 6 mai. Sur l’ensemble des outre-mers, la part du vote réunionnais représente plus de 50% des bulletins François Hollande. L’élan présidentiel se prolonge lors des scrutins législatifs avec une situation inédite. Dans ce temps d’alternance, la fédération du PS a préparé l’éventuelle victoire de son candidat. Rien à voir avec l’alternance de 1981.

Une nouvelle génération vient épauler les deux députés socialistes sortants. Les socialistes maintiennent le souffle hollandais dans la plupart des circonscriptions. Ils devancent un parti communiste en crise interne et une droite affaiblie, débordée, par l’échec de Nicolas Sarkozy. L’impulsion du premier tour  va vers les candidatures socialistes.  Situation inédite avec aucun candidat du PCR au second tour, et aucun élu des droites au soir du 17 juin. Le PCR se débat avec la candidature de Huguette Bello depuis le début de l’année. La députée sortante réussit sa campagne et reçoit une extraordinaire adhésion du corps électoral.

Un score impressionnant de 75% dès le soir du premier tour, emporte les digues, la direction du PCR, et Paul Vergès. Les droites ne cessent de chercher un point d’équilibre et perdent la cohérence des régionales. Au centre, le MoDem tente sa carte dans un traditionnel ni droite ni gauche. Thierry Robert, seul, parvient au terme de cinq années exceptionnelles (élu maire, conseiller général) à remporter un siège au Palais Bourbon. Tableau complexe d’une vie politique réunionnaise que les pages de ce livre Année Politique 2012 ambitionnent de dépeindre et surtout d’expliquer.

Abstentions et Reconfigurations (sous titre de l’ouvrage), avec ces deux mots en titre nous avons essayé de fixer les traits caractéristiques des élections d’avril-juin 2012. Ils peuvent s’examiner indépendamment, mais surtout ils s’agencent. Littéralement une part grandissante du corps électoral s’interdit de vote, se tient en retrait d’un acte qu’elle considère sans valeur, sans intérêt, sans portée. Un évident rejet et une mise à distance pour des milliers d’inscrits des listes électorales qui ont coupé les liens avec la société politique.

Le second terme (reconfiguration) traduit les modifications internes à la vie politique réunionnaise. Nous sommes dans une phase où le logiciel de La Réunion a commencé une « réingénierie » politique.  Cette réorganisation modifie une situation que nous connaissions depuis près de 3 décennies. Les deux mots (abstentions/reconfigurations) se conjuguent parce que le poids de ces abstentions perturbe toutes les conclusions électorales et donc la juste évaluation des reconfigurations.

Le nouveau paysage se pose sur un socle fissuré par l'ascendant de l’abstention. Les succès, les défaites sont à analyser sur cette donnée en constante progression. Ce phénomène devrait davantage interroger tant il s’élargit et affaiblit la société politique. Il ne peut demeurer un sujet de commentaires pour soirée électorale, puis disparaître des radars. Le paradoxe de cette absence-abstention c’est qu’elle intervient dans la structuration de l’expression électorale réunionnaise, et nationale.

Les lecteurs/lectrices de ce troisième tome peuvent désormais mettre en perspective les dernières évolutions sur ces trois années qui comportent de considérables réorientations. Elles concernent le rapport entre électeur et parti, le renouvellement du personnel politique, la féminisation de la représentation, les rapports internes au parti et entre les forces. En un temps court, les socialistes sont passés de la troisième position des régionales à une domination lors des législatives.

Rien n’est ni fixé ni figé dans la politique, mais le constat s’impose. En 2010, lors des régionales, la liste socialiste réunit 30.000 suffrages soit 13% des exprimés. En 2012, les candidats dans les 7 circonscriptions en rassemble 85.000 soit 32,9% des exprimés. La prudence dans l’arithmétique électorale veut toujours que soit noté le pourcentage des inscrits. Les chiffres sont limpides : 53,1% d’abstention, 46,9% de votants (avec 2,2% de bulletins blancs/nuls) et 44,6% de suffrages dits exprimés. Certes, les socialistes apparaissent comme le premier parti de La Réunion lors de ce 10 juin 2012 mais avec 14,7% des inscrits c’est dire où se situent les droites (8,9%) et le PCR (5,4%).

L’abstention est pourtant trop prégnante pour alléguer que la reconfiguration nouvelle repose sur une base solide. Une fois encore, les scrutins à venir permettront de diagnostiquer l’exacte valeurs des expressions législatives.

Au terme de ce projet, nous souhaitons remercier ici les personnalités venues de la presse (écrite, audiovisuelle, internet), des instituts de sondage, qui ont accepté de participer et de nous apporter leurs contributions. Les trois volets réunissent des approches riches de sensibilités journalistiques différentes. Dans l’écriture de l’histoire immédiate nous avons cheminé ensemble.

Cet essai d’histoire immédiate a été une expérience inédite qui s’achève par l’édition de trois ouvrages de références. Nous avons élaboré une connaissance d’un passé très proche, proposé au plus large public des documents précieux (à archiver !) et ainsi écrit une part de l’histoire récente de la vie politique réunionnaise".

CRESOI



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