inforeunion : Un regard Réunionnais - Ile de La Réunion - Océan Indien
sak ifé nout jordu ék nout demin

"Les sept mensonges de la nouvelle route du Littoral"


Politique
Lundi 3 Décembre 2012

Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) est emblématique de ce qu’il est convenu d’appeler les GPII, les Grands Projets Inutiles Imposés, des projets archaïques au service d’une politique d’aménagement du territoire héritée du siècle dernier, qui repose sur la destruction des la biodiversité et le bétonnage, des projets nés de la croyance que la sortie de crise se fera par le développement de transports et d’infrastructures inutiles et imposées, dévoreuses d'énergies fossiles et donc prédatrices de l'environnement, plutôt que par la conversion écologique de nos sociétés.


"Les sept mensonges de la nouvelle route du Littoral"
NDDL est devenu  un lieu hautement symbolique de refus des cette politique. A La Réunion, nous avons aussi notre Grand Projet Inutile Imposé, la Nouvelle Route du Littoral.  Pour « vendre » son projet, la Région avance un certain nombre d’arguments mensongers.

La problématique des déplacements à La Réunion

Pour comprendre les enjeux liés à un projet aussi important, il faut le placer dans le contexte global de la problématique des transports à La Réunion et notamment de la place occupée par l’automobile à La Réunion.

Comme le notait en 2007 l’Observatoire des Transports et des Déplacements, "le paradoxe réunionnais réside dans la course engagée, d'une part par les projets routiers et, d'autre part, par la croissance de l'équipement des ménages en automobile. La Réunion est face à la problématique du développement du "tout automobile". La modernisation du réseau entraîne une utilisation de plus en plus accrue qui engendre une demande de réseaux plus performants". Entre 1996 et 2005, la croissance du parc automobile a été deux fois plus rapide que l’extension du réseau routier.

Avec la NRL, la Région Réunion a donc choisi de poursuivre cette "course » en avant absurde qui pousse à construire de nouvelles routes pour absorber l’arrivée de nouveaux véhicules. Plutôt que de développer une logique de service public de transport, le Conseil Régional a décidé de perpétuer une pure logique de croissance des infrastructures routières puisque la NRL supposera nécessairement d’autres travaux routiers d’importance dont un nouveau pont sur la Rivières des Galets et le traitement de l’entrée  nord de Saint-Denis.

Les sept mensonges de la nouvelle route du Littoral :  

Le mensonge de la modernité

Contrairement à ce qu’affirme la Région (« Une route moderne, gratuite et sécurisée »), cette infrastructure appartient bien au passé. C’est un projet inadapté au monde du changement climatique. Les politiques d’adaptation qui  se mettent en place partout dans le monde pour relever les grands défis qui s’annoncent, utilisent  les critères de la « vulnérabilité » au changement climatique pour déterminer si un grand projet constitue un investissement viable ou non.

Les investisseurs publics ou privés postulent désormais que tout grand projet d’infrastructure doit être jugé  sur sa capacité pendant sa durée de vie, à relever les défis du Changement Climatique. Donc il faut s’interroger sur la pertinence d’un projet qui sera au mieux opérationnel en 2020 : qu’en sera-t-il du prix des carburants et de la dépendance énergétique de La Réunion en 2030, 2040, etc. ? La NRL est à peu près aussi « moderne » que l’était la ligne Maginot en 1940.

Le mensonge de la gratuité
La Région vante sa capacité à réaliser une route sans péage, or, cette route il y a bien quelqu’un qui va la payer. Il faut rappeler que la simple annulation du Tram train au bénéfice de la NRL a déjà coûté aux contribuables réunionnais près de 70 millions d’euros  (coûts des études et indemnités contractuelles) qui ont été perdus avec la décision du nouvel exécutif régional.
Il faut aussi rappeler que les trois grands chantiers routiers précédents, première route du littoral (1963), la deuxième route du littoral (1976) et la Route des Tamarins (2009) ont tous connus un dépassement de budget de + 70 %. Au bas mot, la NRL devrait coûter aux alentours de 2,5 milliards d’euros qui devront être payés au final par les contribuables.

La Région a emprunté fin 2011 500 millions auprès de la Caisse des Dépôts. Mais, on  sait  que  la collectivité régionale est endettée. La revue économique Capital  montre ainsi que si on rapporte le montant de la dette  de la collectivité régionale  au nombre de foyers fiscaux imposés c’est l’une des plus  endettées de France (484 millions d’euros en 2010 contre 390 millions en 2009). La dette se monte à 4225 euros par foyer fiscal en 2010. Si on ajoute la dette du département,  le cumul des deux aboutit à une dette de 8709 euros par foyer fiscal imposé, ce qui place La Réunion en tête des territoires français endettés. Le risque d’endettement de La Réunion est aujourd’hui d’autant plus  réel que les Accords de Matignon de 2010 n’incluant plus de clause d’actualisation des coûts, l’Etat ne mettra pas un centime de plus dans l’opération. Il n’y aura peut-être pas de péage mais tous les Réunionnais vont devoir payer cette route.

Le mensonge de la sécurité
C’est l’argument ressassé ad nauseam par la Région qui n’hésite pas à se servir cyniquement des victimes de cette route pour justifier son projet. Mais c’était déjà l’argument pour construire la seconde route du littoral celle de 1976 qui fut un échec et fut aussi meurtrière que la première. En quoi un viaduc, plus long que celui de Millau et culminant à 30 m au dessus de l’Océan Indien sera-t-il  « sûr » ? En quel sens une infrastructure reposant sur des digues monumentales sera-t-elle sécurisée ? Une route à six voies pour partie sur viaduc en mer, est-elle à l’épreuve du changement climatique ?

La multiplication des cyclones et l’augmentation prévisible de leur puissance ainsi que la montée des océans sont des éléments qui risquent de rendre obsolète ce projet pharaonique de troisième route du littoral, avant même que des travaux soient entamés.  D’autre part, les infrastructures ne peuvent remplir leur rôle que si le matériel et les véhicules fonctionnent, c’est pourquoi d’un point de vue prospectif, il faut s’interroger sur la pertinence d’infrastructures de déplacements guidées passant au dessus de la mer alors que l’on sait que demain les cyclones seront plus violents et plus fréquents.  Le passage en mer n’est pas sécurisable.

Le mensonge de création d'emplois loaux
Il manque à La Réunion 150 000 emplois, or La Région estime que le chantier créera 1100 emplois directs, essentiellement dans le BTP qui en a perdu 10 000 depuis le début de la crise. Ce qui veut dire que ce chantier ne résoudra même pas le problème de l’emploi dans ce secteur d’activité. Avec les emplois indirects, la Région table au total sur  2500 emplois par an sur six ans. Mais ces chiffres pourraient être remis en question si la version avec deux viaducs est au final préférée à celle des deux digues car l’essentiel des emplois locaux se fera grâce à la construction de ces dernières. Autant un projet de train est générateur d’emplois pérennes pour les Réunionnais, autant une route ne donne aucune garantie que les emplois créés seront des emplois locaux  encore moins qu’ils seront pérennes.

Le mensonge du respect de l'environnement
Le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) de La Réunion, instance constituée de 22 spécialistes locaux reconnus pour leurs compétences scientifiques,  n’a pas été consulté sur ce projet mais  a néanmoins émis un avis défavorable. Les digues notamment, d’une longueur cumulée de 6,9 km, vont accroître l’artificialisation du littoral réunionnais, le plus bétonné de l’outremer, contribuant ainsi à l’érosion des côtes, plus particulièrement des plages de l’ouest. Le Conseil Scientifique s’interroge aussi  sur les impacts environnementaux irréversibles et doute que la perte de l’écosystème d’une « falaise unique au monde » puisse être compensée comme le prétend le maître d’ouvrage.

Enfin, l’une des digues va détruire le banc corallien des Lataniers, une « formation remarquable sur le plan écologique », dont l’Autorité Environnementale (Ministère de l’Écologie) rappelait dans un avis du 22 octobre 2009, qu’il devait être impérativement sauvegardé. Quant aux baleines à bosses qui étaient de retour depuis quelques années, les nuisances engendrées par la construction des piles du viaduc leur feront à nouveau, et peut-être pour toujours, déserter les côtes réunionnaises. La NRL est une monstruosité sur le plan écologique.

Le mensonge de la route pour tous les Réunionnais
Ce projet ne sert pas l’intérêt collectif. Il y a vingt ans, au début des années 90, le transport collectif à La Réunion représentait encore près de 30 % (bus et notamment le taxi), aujourd’hui, il ne représente plus que 6 %. Un Réunionnais sur trois en âge de conduire, n’a pas d’automobile. Le prix du permis, de l’achat, de l’assurance, de l’entretien, etc. constituent un obstacle infranchissable. Ce qui signifie donc que l’Etat et la Région veulent investir une somme pharamineuse (2,5 milliards d’euros) dans le plus gros projet d’infrastructure de La Réunion mais projet qui ne concerne pas la fraction de la population la plus précaire.

La Région argue du projet Trans Eco Express pour justifier un soit disant intérêt collectif de la NRL. Or, la TEE est un "projet croupion » qui sert uniquement d’alibi pour tenter de justifier le coût pharamineux d’une nouvelle route. 65 % des financements des Accords de Matignon de 2007 étaient dévolus au transports en commun, en 2010, avec les nouveaux Accords, c’est à peine 14 % qui sont dévolus à quelques travaux d’aménagements routiers pour des bus. La NRL est bien un ouvrage dédié au tout automobile.

Le mensonge de la solution des embouteillages
Début 2009, 48 000 véhicules empruntaient chaque jour l’actuelle route du Littoral, avec  l’entrée en service de la route des Tamarins et l’appel d’air créé par cette infrastructure, ce sont 55 000 véhicules qui empruntent désormais chaque jour la route du littoral, soit en moyenne + 7000 véhicules/jour. La polémique récente entre la Région et le Maire de Saint-Denis vient de le rappeler, le projet NRL ne traite pas la question pourtant essentielle de l’entrée de Saint-Denis, pas plus qu’il ne traite le problème du pont delà Rivière des Galets. Didier Robert se comporte comme un plombier amateur qui pense qu’il suffit d’ouvrir les robinets pour déboucher la canalisation.

Un tel projet engagerait La Réunion pour des dizaines d’années, il renverrait aux calendes grecques tout projet de transport en commun sur rail  mais ferait peser de graves menaces et sur la biodiversité de notre île et sur les finances de la collectivité régionale donc sur les contribuables réunionnais. Nous demandons qu’une véritable évaluation du rapport coûts/bénéfices de la NRL soit réalisée par un cabinet d’audit indépendant. Sur le plan politique, la prise de conscience et la mobilisation contre ce projet de route pharaonique doit s’amplifier. C’est pourquoi nous appelons à l'unité la plus large afin d’obtenir le retrait de ce projet.

Jean-Pierre Marchau



      Partager Partager

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter


Dans la même rubrique :
< >

Vendredi 17 Juin 2022 - 11:41 Jean Jacques MOREL aime son Pays

Vendredi 3 Juin 2022 - 08:56 Jean Jacques MOREL