inforeunion : Un regard Réunionnais - Ile de La Réunion - Océan Indien
sak ifé nout jordu ék nout demin

Claudy Siar : "L’Outre-mer est encore trop absente de nos manuels scolaires"


Politique
Dimanche 24 Juillet 2011

Le Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer, a révélé les projets qu'il souhaite porter et développer pour "amener un autre regard sur l'Outre-mer. Aujourd'hui, le successeur de Patrick Karam, nous parle de lui, de son parcours, de sa passion pour la musique, de ses espoirs. Et de ses rêves. Interview.


Claudy Siar : "L’Outre-mer est encore trop absente de nos manuels scolaires"
Quelle est la partie ultramarine que les gens perçoivent en premier, votre couleur de peau ou votre sens musical ?
Ma couleur de peau ! Car pour beaucoup de nos concitoyens, elle ramène à l’étranger. Ce n’est d’ailleurs pas toujours dans un sens négatif ! Cependant, il est tant que les regards changent, pour cela un pan de l’histoire de France mérite d’être réécrit ! Chaque français doit pouvoir se retrouver dans les récits qui ont forgé la nation à laquelle il appartient. L’Outre-mer est encore trop absente de nos manuels scolaires et de l’histoire officielle française.
La musique, c'est votre cri qui vient de l'intérieur ?
Pour nous, la musique est vitale ! Elle nous accompagne de notre naissance jusqu’à notre mort ! Elle rythme chaque instant de notre vie. La musique transport aussi une part importante de nos identités et de nos combats pour la justice et l’égalité. Nos artistes chantent nos joies, nos souffrances, nos rêves ! C’est par passion pour nos musiques et pour toutes les raisons évoqués que j’ai fait de la musique une arme de sensibilisation.

C'est la musique qui vous a amené à la radio et à la télévision ?
La musique mais surtout le militantisme !

Quel est votre parcours depuis votre première radio ?
C’est en janvier 84 que j’intègre en tant que bénévole, la première radio associative antillaise de France. L’année suivante, je fais mes classes à Europe 1 comme collaborateur auprès d’Alain Maneval et de Jean-Claude Brialy. En 86 je deviens chroniqueur sur France Inter dans l’émission « Pollen » de Jean-Louis Foulquier. Le 30 octobre 88, je fais mes premiers pas à la télé sur RFO dans l’émission « L’attitude » puis « Mascarines » et Kromatik ». En 1993, je suis en même temps sur M6, TF1 et FR3 pour RFO. Le 13 mars 1995, je réalise un rêve en intégrant RFI… et je peux enfin parler à la jeunesse africaine. Aujourd’hui «Couleurs Tropicales» est devenus une référence en matière de musique et un lieu où s’exprime la génération consciente.

Il y a aussi cette rencontre avec Basile Boli ?
C'était en 2005, Basile Boli me propose d’animer un talk-shhow sur Canal+ Horizon, l'émission s'intitulait «Couleurs Horizon». Dans le même temps Basile Boli et moi proposons à France 2 l’émission «Au-delà de nos différence» parrainé par Zinadine Zidane et que j’ai présentée. 2006 est l’année où je présente les émissions quotidiennes «Et si c’était vous». Afin de trouver le représentant français à l’Eurovision 2006, puis aux côtés de Michel Drucker, j’ai animé la finale française puis fait le commentaire en direct d’Athènes ! En 2007 avec mes amis et frères Stéphane Mouangue et Patrick Lemure. J’ai créé Tropiques FM, devenus en 2 ans la première radio communautaire de France en terme d’audience. Nous sommes également devant bien d’autres radios prestigieuses françaises.

Quand avez-vous commencé à militer ?
Tous mes parcours sont indissociables de mes combats militants. En radio où dès 1985, je proposais mes premières émissions sur l’histoire et contre les discriminations. Le 21 septembre 1991, j’organisais ma première manifestation suite à la diffusion sur Antenne 2 des propos insultants de Charles Trénet contre les Noirs. Le 23 avril 1993, je lançai la première marche de commémoration de l’abolition de l’esclavage ! C’était la «Fête des Nègres marrons » de la place de la République à la place de la Nation à Paris. Une première en France. Je ne vais pas vous citer toutes les actions que j’ai menées avec le mouvement Génération consciente, cependant elles sont de vrais points de repères dans ma vie.

Quel enfant et adolescent avez-vous été ?
Je suis né à Paris. J’ai passé une partie de mon enfance et de mon adolescence dans un petit village de Haute Provence. Je suis le fruit de toutes ces terres et bien sur de la Guadeloupe de mes parents et de l’Afrique et de l’Inde de mes ancêtres. J’étais un enfant plutôt réservé avec néanmoins un caractère bien affirmé. Un adolescent respectueux des autres n’hésitant pas à exprimer mes idées militantes. Aussi loin que je remonte dans ma vie, j’ai toujours été sensible aux problématiques d’injustices.

Vous avez déjà réalisé beaucoup de vos rêves ?
Je n ai pas beaucoup de rêves si ce n’est pour mes enfants. En revanche, j’ai des actions précises à mener. Je suis déterminé à remporter tous ces combats. Ce n’est pas un rêve à réaliser, mais une responsabilité à assumer.

Quels sont les autres rêves que vous voulez voir devenir réalité ?
Je n’ai jamais accepté que la couleur de la peau soit un facteur de discrimination. Je ne peux pas me résigner à accepter que dans nos sociétés il y est une hiérarchie de couleur la plus claire étant mieux considérée que le plus foncée. Je ne supporte plus les incohérences de notre pays. Nous parlons de liberté mais ils sont des millions à être prisonnier de leurs conditions sociales, souvent dans leurs quartiers populaires rebaptisé «banlieue» par le monde politique et médiatique.
Nous parlons d’égalité ! Regardez l’état des sociétés occidentales ; jamais l’écart entre riches et pauvres n’a été aussi criant. Et puis je rêve que nos populations d’Outre-mer soient conscientes des enjeux face à nos problématiques spécifiques. Nous devons mettre un terme à la culture du «détruire notre semblable». A chaque fois qu’une femme ou qu’un homme d’Outre-mer remporte des victoires, nous devons soutenir cette personne et non chercher à lui nuire en colportant ragots et calomnies.

Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'Outre-mer, c'est un autre moyen d'aller au bout de vos rêves : se battre contre toutes les discriminations.
C’est un moyen que je n’avais pas envisagé bien sur. J’ai mis longtemps avant d’accepter une telle proposition. Je voulais être sur du rôle que je pourrais avoir et des avancées que la nouvelle Délégation pourrait obtenir. Il est facile de dénoncer ces discriminations à distance sans jamais s’engager vraiment. Il est plus difficile d’accepter une mission au cœur d’un pouvoir que certains fustigent oubliant leur orthodoxie républicaine. Pour moi Nicolas Sarkozy est le chef de l’Etat, alors cessons d’être prisonnier des parties politiques, des dogmes, des idées toutes faites et des préjugés…

L'Outre-mer n'a pas de couleur politique ?
Tous oublis de mettre dans la corbeille le bulletin «parti d’outre-mer»… des régions françaises avec leurs problématiques et dont les ressortissants dans l’Hexagone subissent les injustices et ce depuis bien longtemps. Mais les temps changent et s’ils changent c’est par la volonté des plus déterminés d’entre-nous et peut-être aussi grâce à une politique volontaire du Président de la République. Il souhaite voir les originaires d’outre-mer trouver leurs places au sein de la nation. Le poids de l’histoire est lourd : esclavage, colonisation.

C'est-à-dire…
Les discours du 6 avril 2011, jour de l’entrée de Aimé Césaire au Panthéon, et celui du 10 mai pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage, qui sont deux discours historiques nous confirment que les temps changent. Lors de ces deux jours, j’ai pensé à toutes ces femmes et à tous ces hommes dont l’histoire n’a retenu les noms. Je leur rends hommage, car leurs combats et leurs sacrifices ont trouvé le chemin de la victoire ! Vous voudriez, qu’aujourd’hui, où nous pouvons agir en cessant de lancer des pierres contre la citadelle,que je ne face pas preuve de responsabilités en allant jusqu’au bout de ce besoin d’apaiser et de rassembler pour le «Vivre ensemble dans le respect de l’autre» ? 

Ne pas fuir nos responsabilités ?
Nous devons à nos enfants et aux générations futures, un engagement permanent face aux inégalités. En tant que Délégué, je souhaite que chaque avancée pour les originaires d’Outre-mer ne soit pas vécu comme un privilèges qu’on leur accorde; mais bien comme de l’égalité que l’on redonne à celles et ceux qui en sont privés, et ce depuis trop longtemps. Il est temps pour nous de nous unir autour de valeurs communes et d’avancer ensemble.




      Partager Partager

Nouveau commentaire :
Facebook Twitter


Dans la même rubrique :
< >

Vendredi 17 Juin 2022 - 11:41 Jean Jacques MOREL aime son Pays

Vendredi 3 Juin 2022 - 08:56 Jean Jacques MOREL